L'histoire de Jill par Colin Tipping

Ceci est l'histoire vraie de Jill, la soeur de Colin Tipping. Elle est disponible un peu partout sur Internet et constitue également le premier chapitre du livre Le Pouvoir du pardon radical, écrit par Colin Tipping et traduit en français par Olivier Vinet.
Je vous encourage à la lire et à la partager sans modération. Cette histoire a déjà touché des milliers de gens à travers le monde, qui se sont reconnus et ont parfois spontanément radicalement pardonné !
Bonne lecture :-)

L'histoire de Jill


Dès que je vis ma soeur, Jill, arriver dans le hall de l'aéroport international d'Atlanta Hartsfield, je sus que quelque chose n'allait pas. Elle n'avait jamais su cacher ses sentiments et il était clair pour moi qu'elle souffrait émotionnellement.
Jill avait fait le trajet depuis l'Angleterre avec mon frère, John, que je n'avais pas vu depuis seize ans. Il avait émigré en Australie en 1972 et moi, en Amérique, en 1984. Jill était donc, et est toujours, la seule de nous trois habitant toujours en Angleterre. John faisait le voyage pour rentrer chez lui et cette étape à Atlanta était sa dernière escale. Jill l'accompagnait pour nous rendre visite, à moi et à ma femme JoAnn pendant deux semaines et pour dire au revoir à John avant qu'il ne retourne en Australie.
Après les embrassades et quelques maladresses, nous sommes partis pour l'hôtel. J'avais réservé des chambres pour la nuit de sorte que JoAnn et moi puissions leur faire visiter Atlanta le lendemain avant de prendre la voiture pour rentrer chez nous dans le nord.
Dès que la première opportunité de discuter sérieusement s'est présentée, Jill m'a dit : "Colin, les choses ne se passent pas bien à la maison. Jeff et moi allons peut-être nous séparer."
Bien que j'eusse remarqué que quelque chose n'allait pas chez ma soeur, cette annonce me surprit. J'avais toujours pensé qu'elle et son mari, Jeff, étaient heureux dans leur mariage, qui durait depuis six ans. Tous les deux avaient été mariés autrefois, mais leur union semblait solide. Jeff avait trois enfants de son ancienne femme, et Jill, quatre. Paul, le cadet de Jill, était le seul vivant encore chez eux.
"Que se passe-t-il ?, demandai-je.
-Eh bien, c'est très bizarre et je ne sais vraiment pas par où commencer, répondit-elle. Jeff agit de manière très étrange et je n'arrive plus à supporter cela. Nous en sommes arrivés au point où nous n'arrivons plus à nous parler. Cela me mine. Il s'est totalement détourné de moi et il dit que c'est entièrement ma faute.
-Explique-moi", lui dis-je en observant John, qui leva les yeux au ciel. Il avait passé une semaine chez eux avant de prendre l'avion pour Atlanta et, à sa conduite, j'imaginais qu'il en avait suffisamment entendu sur le sujet pour s'en souvenir pendant quelques temps.
"Tu te souviens de la fille aînée de Jeff, Lorraine ?", demanda-t-elle. J'acquiesçais. "Eh bien, son mari a été tué dans un accident de voiture il y a environ un an. Depuis, elle et Jeff ont développé une relation vraiment bizarre. Chaque fois qu'elle téléphone, il la porte aux nues, il l'appelle "mon amour", et il passe des heures à lui parler à voix basse. On pourrait penser qu'ils sont en couple, et non pas père et fille. Si Jeff se trouve en plein milieu d'une activité et qu'elle appelle, il laisse tout tomber pour lui parler. Si elle vient chez nous, il agit de la même manière, voire pire. Ils s'enferment dans ces conversations profondes et à voix basse qui excluent toute autre personne, y compris moi. J'ai du mal à supporter cela. J'ai l'impression qu'elle est devenue le centre de sa vie et moi, je n'ai pratiquement plus ma place. Je me sens totalement exclue et ignorée."
Elle continua encore et encore, me donnant plus de détails sur l'étrange dynamique familiale qui s'était développée. JoAnn et moi l'écoutions attentivement. Elle se demandait à voix haute quelle pouvait être la cause de l'attitude de Jeff, mais d'une manière générale elle était compatissante. Nous lui avons fait des suggestions sur la façon de lui parler de son comportement et, globalement, nous avons fait tout ce que nous avons pu pour trouver une manière de régler la situation, comme le feraient tout frère et toute belle-soeur concernés. John la soutenait et proposait également son point de vue sur la situation.
Ce qui me semblait étrange et suspect était la nature inhabituelle du comportement de Jeff. Le Jeff que je connaissais avait de l'affection pour ses filles et était sûrement suffisamment codépendant pour avoir un trop grand besoin de leur approbation et de leur amour, mais je ne l'avais jamais vu se comporter de la manière que me décrivait Jill. Je l'avais toujours connu attentionné et plein d'affection envers elle. En fait, il m'était difficile de croire qu'il la traitait aussi cruellement. Mais il m'a été facile de comprendre pourquoi cette situation avait rendu Jill malheureuse et comment l'insistance de Jeff pour dire qu'elle imaginait tout cela et qu'elle se rendait elle-même malade avait pu faire empirer les choses pour elle.
La conversation continua tout le lendemain. Je commençais à bien comprendre ce qui se passait entre Jill et Jeff du point de vue de la méthode du pardon radical, mais je décidai de ne pas en parler, du moins pas sur le moment. Elle était encore trop absorbée par l'aspect dramatique de la situation et elle n'aurait pas été capable d'entendre ni de comprendre ce que j'avais à lui dire. Le pardon radical est fondé sur une perspective spirituelle très large qui ne faisait pas partie de la réalité que nous partagions alors que nous vivions encore tous en Angleterre. Etant certain qu'elle et John ne connaissaient pas les croyances qui étaient miennes et qui sous-tendaient le pardon radical, je sentis que n'était pas encore venu le moment d'une remise en question sous forme de la pensée suivante : Les choses sont parfaites en leur état, elles sont une opportunité de guérison.
Cependant, après que fût passé le deuxième jour d'explications minutieuses de la situation, je décidai que le moment où je pourrais tenter l'approche du pardon radical était en vue. Cela exigeait que ma soeur s'ouvre à la possibilité que quelque chose allant au-delà des évidences se passait : quelque chose qui avait un but, qui était guidé par le Divin et qui visait son bien-être le plus élevé. Cependant, elle était tellement déterminée à se sentir victime de la situation que je n'étais pas sûr d'arriver à lui faire entendre une autre interprétation du comportement de Jeff qui la ferait sortir de ce rôle.
Toutefois, alors que ma soeur s'apprêtait à répéter une nouvelle fois ce qu'elle avait déjà dit la veille, je décidai d'intervenir. Avec hésitation, je lui demandai : "Jill, souhaiterais-tu regarder différemment la situation ? Serais-tu ouverte à ce que je te donne une interprétation très différente de ce qui se passe ?"
Elle me regarda d'un air interrogateur, comme si elle se demandait : "Comment serait-il possible qu'il y ait une autre interprétation ? Les choses sont ce qu'elles sont !" Cependant, par le passé, je l'avais déjà aidée à résoudre un problème relationnel, donc elle me fit suffisamment confiance pour me dire : "Eh bien, je crois que oui. A quoi penses-tu ?"
C'était l'ouverture que j'attendais. "Ce que je vais dire te paraîtra peut-être étrange, mais essaye de ne pas le remettre en question avant que j'aie fini. Reste simplement ouverte à la possibilité que ce que je dis soit vrai et regarde si ce que je te dis te parle ou pas."
Jusqu'alors, John avait fait de son mieux pour rester attentif à la conversation de Jill, mais comme elle se répétait constamment sur la situation avec Jeff, il commençait vraiment à en avoir assez. En fait, il ne l'écoutait plus vraiment. Mais j'étais conscient que mon intervention, l'avait interpellé et qu'il avait recommencé à écouter.
"Ce que tu nous as décrit, Jill, représente certainement la vérité telle que tu la vois, commençai-je. Dans ma tête, je n'ai pas le moindre doute que les choses se soient produites ainsi. Qui plus est, John a assisté à la plupart de ce qui s'est passé sur les trois dernières semaines et confirme ton histoire, n'est-ce pas, John ? lui demandai-je en me tournant vers lui.
-Absolument, confirma-t-il. J'ai vu tout cela se passer souvent, tel que l'a décrit Jill. Je me suis dit que c'était très étrange et, pour être tout à fait honnête, je me suis très souvent senti mal à l'aise en votre présence.
-Cela ne me surprend pas, dis-je. Toutefois, Jill, je voudrais que tu saches que rien de ce que je vais dire ne nie ce que tu as dit ni invalide ton histoire. Je crois que les choses se sont passées telles que tu les as décrites. Cependant, laisse-moi te donner une suggestion de ce qui pourrait être sous-jacent à cette situation.
-Qu'est-ce que tu veux dire par "sous-jacent à la situation" ? demanda Jill en me regardant avec méfiance.
-Il est parfaitement naturel de penser que tout ce que l'on voit dans la vie est tout ce qui constitue la réalité, expliquai-je. Mais peut-être y a-t-il beaucoup d'autres choses qui se passent au-delà de cette réalité. Nous ne percevons pas les autres choses qui se passent parce que nos cinq sens ne suffisent pas à cette tâche. Mais cela ne signifie pas que cela ne se produit pas.
"Prenons ta situation. Toi et Jeff vivez ce drame. Tout cela est clair. Mais si, au-delà de ce drame, quelque chose d'une nature plus spirituelle se passait, avec les mêmes personnes et les mêmes événements, mais avec une signification totalement différente ? Et si vos deux âmes effectuaient la même danse, mais sur un air totalement différent ? Et s'il s'agissait d'une danse thérapeutique pour vous ? Et si vous pouviez voir cela comme une opportunité de guérir et d'évoluer ? Cela constituerait une interprétation très différente, n'est-ce pas  ?"
Jill et John me regardaient tous les deux comme si je parlais maintenant une langue étrangère. Je décidai d'arrêter là les explications et de passer directement à l'expérience.
"Si l'on regarde les trois derniers mois environs, Jill, continuai-je, qu'est-ce que tu as ressenti de particulier lorsque tu as vu Jeff se comporter avec tellement d'amour envers sa fille Lorraine ?
-Essentiellement de la colère", dit-elle tout en continuant à y réfléchir. "De la frustration", ajouta-t-elle. Puis, après une longue pause : "Et de la tristesse. Je me sens vraiment triste." Des larmes commencèrent à jaillir de ses yeux. "Je me sens seule et mal-aimée, dit-elle en commençant à sangloter doucement. Je ne me sentirais pas si mal si je pensais qu'il n'était pas capable d'exprimer son amour, mais il le peut et il le fait, mais avec elle !"
Elle proféra ces derniers mots avec véhémence et rage et commença à sangloter de manière incontrôlable pour la première fois depuis son arrivée. Auparavant, elle avait laissé échapper quelques larmes, mais elle ne s'était pas vraiment autorisée à pleurer. Enfin, elle lâchait prise. J'étais content que Jill ait pu rentrer en contact aussi rapidement avec ses émotions.
Dix bonnes minutes passèrent avant que ne cessent ses larmes et que je sente que je pouvais à nouveau parler. A ce moment, je lui demandais : "Jill, te souviens-tu d'avoir jamais eu des émotions similaires lorsque tu étais petite ?"
Sans la moindre hésitation, elle me dit : "Oui." Elle ne put pas préciser immédiatement l'époque, donc je lui demandais des explications. Il lui fallut un moment pour répondre.
"Papa ne m'aimait pas non plus ! laissa-t-elle finalement échapper en commençant à sangloter. Je voulais qu'il m'aime, mais il ne m'aimait pas. Je pensais qu'il n'était pas capable d'aimer ! Puis ta fille est venue au monde, Colin. Il lui a donné l'amour dont elle avait besoin. Alors, pourquoi est-ce qu'il ne pouvait pas m'aimer, nom de Dieu ?!" Elle tapa vigoureusement du poing sur la table en criant ces mots et fondit en larmes de manière encore plus incontrôlable.
Jill faisait référence à ma fille aînée, Lorraine. Coïncidence, ou plutôt synchronicité, elle porte le même prénom que la fille aînée de Jeff.
Les larmes que Jill avait versées lui avaient fait beaucoup de bien. Elles l'aidèrent à se libérer et constituèrent probablement un tournant pour elle. Nous ne sommes pas loin d'une avancée majeure, pensais-je. Il fallait que je continue à la pousser sur la voie.
"Raconte-moi l'incident avec ma fille Lorraine et papa, lui demandai-je.
-Eh bien, dit Jill, en se remettant, j'ai toujours senti que Papa ne m'aimait pas et j'avais vraiment très envie de son amour. Il ne m'a jamais tenu la main et ne m'a pas beaucoup pris sur ses genoux. J'ai toujours senti qu'il devait y avoir quelque chose qui n'allait pas chez moi. Lorsque je fus plus âgée, maman m'a dit qu'elle ne pensait pas que papa fusse capable d'aimer quiconque, pas même elle. A l'époque, j'étais plus ou moins en paix avec cela. Je me raisonnais en me disant que s'il n'était pas vraiment capable d'aimer qui que ce soit, alors ce n'était pas ma faute s'il ne m'aimait pas. Vraiment, il n'aimait personne. Il faisait rarement grand cas de mes enfants, c'est-à-dire ses propres petits enfants, et encore moins des personnes ou des enfants qui n'étaient pas de sa famille. Il n'était pas un mauvais père. C'était juste qu'il ne savait pas aimer. J'étais désolée pour lui. "
Elle pleura encore un peu, mais prit son temps cette fois. Je savais ce à quoi Jill faisait référence chez notre père. C'était un homme gentil et doux, mais très silencieux et introverti. La plupart du temps, il avait certainement paru émotionnellement indisponible à qui que ce soit.
A mesure que Jill retrouvait son état normal, elle continua : "Je me souviens d'une journée en particulier à la maison. Ta fille Lorraine avait quatre ou cinq ans environ. Papa et maman étaient venus de Leicester pour nous rendre visite et nous sommes tous venus chez toi. J'ai vu ta Lorraine prendre la main de papa. Elle lui a dit : "Allez, papi, laisse-moi te montrer le jardin et toutes mes fleurs." Il était à sa merci. Elle l'a emmené partout et lui a parlé sans cesse, lui montrant toutes les fleurs. Elle l'a enchanté. Je les avais regardés durant tout ce temps par la fenêtre. Lorsqu'ils sont rentrés dans la maison, il l'a prise sur ses genoux ; je ne l'avais jamais vu aussi joueur et joyeux.
"J'étais effondrée. Donc, il est capable d'aimer, après tout, pensais-je. S'il pouvait aimer Lorraine, alors pourquoi pas moi ?" Elle avait dit ces derniers mots comme en les murmurant et les fit suivre de longs pleurs de chagrin et de tristesse qui avaient été retenus pendant toutes ces années.
Je me suis dit que cela suffisait pour l'heure et ai suggéré que nous fassions du thé (Que voulez-vous, nous sommes anglais : nous faisons toujours du thé, quelles que soient les circonstances !)
En interprétant l'histoire de Jill du point de vue du pardon radical, je pouvais facilement voir que l'étrange comportement extérieur de Jeff avait inconsciemment pour but de soutenir Jill pour l'aider à guérir sa relation non résolue avec son père. Si elle pouvait voir cela et reconnaître la perfection du comportement de Jeff, elle pouvait guérir sa souffrance, et l'attitude de Jeff cesserait très probablement. Toutefois, je n'étais pas sûr de savoir comment expliquer cela à Jill d'une manière qu'elle puisse comprendre à ce moment-là. Par chance, je n'eus pas à essayer. Ce fut elle qui fit ce lien évident un peu par hasard.
Plus tard dans la journée, elle me demanda : "Colin, ne penses-tu pas qu'il est étrange que la fille de Jeff et la tienne portent toutes deux le même prénom ? Quand on y réfléchit, toutes deux sont blondes et sont les aînées. Si ce n'est pas une coïncidence étrange ! Penses-tu qu'il y a un lien ?"
Je ris et lui répondis : "Absolument. C'est la clé pour comprendre toute cette situation."
Elle me regarda longuement en essayant de comprendre.
"Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Trouve toi-même, répondis-je. Quelle autre similitude observes-tu dans cette situation avec Papa, ma Lorraine et ta situation actuelle ?
- Eh bien voyons voir, dit Jill. Toutes deux ont le même prénom. Et elles obtenaient ce que je ne semblais pas être capable d'obtenir des hommes de ma vie.
- Quoi ?, lui demandai-je.
- De l'amour, dit-elle en murmurant.
- Continue, la pressai-je doucement.
- Il me semble que ta Lorraine était capable de recevoir de papa l'amour que moi, je ne pouvais pas avoir. Et Lorraine, la fille de Jeff, reçoit tout l'amour qu'elle veut de son père, mais à mes dépens. Oh, mon Dieu !", s'exclama-t-elle. Elle commençait vraiment à comprendre maintenant.
"Mais pourquoi ? Je ne comprends pas pourquoi, c'est un peu effrayant ! Que se passe-t-il donc ?, demanda-t-elle, paniquée.
Il était temps de compléter le puzzle pour elle. "Regarde, Jill, lui dis-je. Laisse-moi t'expliquer comment cela fonctionne. Il se trouve que c'est un exemple parfait de ce dont je parlais plus tôt lorsque je disais qu'au-delà du drame que nous appelons la vie se trouve une réalité totalement différente. Crois-moi, il n'y a aucune raison d'avoir peur. Lorsque tu verras comment cela fonctionne, tu ressentiras plus de confiance, de sécurité et de paix que tu ne l'as jamais cru possible. Tu comprendras à quel point nous sommes soutenus par l'Univers ou Dieu, quel que soit le nom que tu veux lui donner, à chaque moment de la journée, peu importe la difficulté de la situation dans laquelle tu te trouves à ce moment-là, lui dis-je en la rassurant comme je le pouvais.
"Si l'on observe cela d'un point de vue spirituel, notre malaise dans une quelconque situation crée un signal indiquant que nous ne sommes plus en alignement avec la loi spirituelle et que l'on nous donne une opportunité de guérir quelque chose. Ce sera peut-être une souffrance originelle ou une croyance toxique qui nous empêche de devenir qui nous sommes réellement. Cependant, nous n'observons pas souvent les choses avec cette perspective. Au lieu de cela, nous jugeons la situation et faisons des reproches à autrui sur ce qui se passe, ce qui nous empêche de voir le message ou de comprendre la leçon. Cela nous empêche de guérir. Si nous ne guérissons pas ce qui a besoin d'être guéri, nous devons créer plus de malaise jusqu'à ce que nous soyons littéralement forcés de nous demander : "Mais qu'est-ce qui m'arrive ?" Parfois, le message doit devenir très fort ou la souffrance, extrêmement intense avant que nous n'y prêtions attention. Une maladie qui menace notre vie, par exemple, nous transmet un message fort. Cependant, même lorsqu'elles sont face à la mort, certaines personnes ne font pas le lien entre ce qui se produit dans leur vie et l'opportunité de guérir que cela crée.
"Dans ton cas, ce qui est remonté cette fois-ci afin d'être guéri est la souffrance originelle concernant ton père et le fait qu'il n'a jamais fait preuve d'amour envers toi. Voilà la raison de ta souffrance et de ton malaise actuels. Cette souffrance particulière a émergé de nombreuses fois auparavant dans des situations différentes mais, comme tu n'avais pas reconnu l'opportunité qui t'était donnée, cela ne s'est jamais guéri. C'est pourquoi le fait d'avoir une autre opportunité d'observer et de guérir cette souffrance est un cadeau !
- Un cadeau ?, questionna Jill. Tu veux dire que c'est un cadeau parce qu'il y a un message pour moi dedans ? Message que j'aurais pu comprendre il y a bien longtemps si j'avais pu observer cela ?
- Oui, dis-je. Si tu l'avais remarqué plus tôt, ton malaise aurait été moindre et tu n'aurais pas eu à en passer par là en ce moment. Peu importe. Maintenant est aussi un bon moment. Cela est parfait et désormais, tu n'auras pas à créer une maladie menaçant ta vie afin de comprendre cela, comme le font de nombreuses personnes. Tu comprends cela maintenant ; tu commences à comprendre et à guérir. Laisse-moi t'expliquer ce qui s'est exactement passé et comment cela a affecté ta vie jusqu'à maintenant, lui dis-je en voulant qu'elle comprenne clairement la dynamique de sa situation actuelle.
"Lorsque tu étais petite, tu t'es sentie abandonnée et mal aimée de papa. Pour une petite fille, il y a de quoi s'effondrer. Du point de vue du développement d'une jeune fille, il est nécessaire d'être aimée de son père. Puisque tu n'as pas senti cet amour, tu en as conclu que quelque chose n'allait pas chez toi. Tu as commencé à vraiment croire que tu n'étais pas digne d'être aimée et, intrinsèquement, que tu n'étais pas assez. Cette croyance s'est ancrée profondément dans ton subconscient et plus tard, lorsque tu as commencé à avoir des relations, cette croyance a commencé à mener ta vie. En d'autres termes, afin de réfléchir cette croyance subconsciente que tu n'étais pas assez, ta vie a toujours comporté des situations de fait te montrant qu'en effet tu n'étais pas assez. La vie te prouvera toujours que tes croyances sont justes.
"Enfant, ta souffrance de ne pas recevoir d'amour de papa était supérieure à ce que tu pouvais tolérer, et donc tu as refoulé une partie de ta souffrance et en as réprimé beaucoup plus. Lorsque tu tais tes émotions, tu sais qu'elles sont là, mais tu les enfouis. En revanche, les émotions réprimées  sont enterrées si profondément dans le subconscient que tu deviens inconsciente de leur existence.
"Plus tard, lorsque tu as commencé à réaliser que ton père n'était pas de nature à aimer et qu'il ne pouvait probablement aimer personne, tu as quelque peu commencé à te remettre, à guérir des effets du sentiment de ne pas être aimée de papa. Tu as probablement libéré une partie de la souffrance que tu avais tue et tu as peut-être commencé à abandonner un peu ta croyance que tu n'étais pas digne d'être aimée. Après tout, s'il ne pouvait aimer personne, peut-être n'était-ce pas ta faute si ton père ne t'aimait pas.
"Puis il est survenu l'événement qui a agi comme une bombe sur toi et t'a ramenée au point de départ. Lorsque tu as l'as vu donner de l'amour à ma Lorraine, cela a déclenché ta croyance initiale. Tu t'es dit : "Après tout, mon père peut aimer, mais il ne m'aime pas.C'est évidemment ma faute. Je ne suis pas assez pour mon père et je ne serai jamais assez pour les autres hommes." A partir de ce moment-là, tu as continuellement créé des situations dans la vie qui soutenaient ta croyance que tu n'es pas assez.
- Moi, j'ai fait cela ?, interrompit Jill. Je ne vois pas comment j'ai pu créer dans ma vie le fait de ne pas être assez !
- Comment était ta relation avec Henry, ton premier mari ?", répondis-je. Elle avait été mariée à Henry, le père de ses quatre enfants, pendant quinze ans.
 "Pas mauvaise dans beaucoup de domaines, mais il était vraiment infidèle. Il cherchait toujours des occasions de coucher avec d'autres femmes et moi, je détestais vraiment ça.
- Exactement. Et tu le considérais comme coupable et toi, tu étais victime de la situation. Cependant, la vérité est que tu l'as attiré dans ta vie précisément parce qu'à un certain niveau tu savais qu'il prouverait ta croyance de ne pas être assez. En étant infidèle, il t'aidait à avoir raison.
- Essayes-tu de me dire qu'il me rendait service ? Ca, c'est sûr, je n'y crois pas !, dit-elle en riant mais avec une certaine colère qu'elle ne sut pas vraiment déguiser.
- Eh bien, il a certainement soutenu ta croyance, n'est-ce pas ?, répondis-je. Tu croyais tellement que tu n'étais pas assez qu'il cherchait toujours quelque chose de plus chez les autres femmes. S'il avait fait l'opposé, s'il avait été fidèle et qu'il t'avait constamment traitée comme si tu étais totalement assez, tu aurais créé un autre drame dans ta vie pour prouver ta croyance. Ta croyance sur toi-même, bien que totalement erronée, a rendu impossible le fait que tu sois assez.
"Par conséquent, si à l'époque tu avais changé ta croyance en guérissant ta souffrance initiale concernant ton père et adopté la croyance je suis assez, Henry aurait immédiatement arrêté de faire des propositions à tes amies. Et s'il n'avait pas arrêté, tu aurais été très heureuse de le quitter et de trouver quelqu'un d'autre qui te traiterait comme si tu étais assez. Nous créons toujours notre réalité  en fonction de nos croyances. Si tu veux savoir quelles sont tes croyances, observe ce que tu as dans ta vie. La vie reflète toujours nos croyances."
Jill semblait un peu perplexe, donc je décidai de répéter certains points que j'avais déjà expliqués.  "Chaque fois qu'Henry te trompait, il te donnait l'opportunité de guérir ta souffrance initiale concernant le manque d'amour de papa. Pour toi, il a fait la démonstration et la mise en scène de ta croyance que tu ne serais jamais assez pour les hommes. Les premières fois où cela s'est passé, tu étais probablement tellement en colère et vexée que tu aurais pu entrer en contact avec ta souffrance originelle et te familiariser avec ton système de croyances sur toi-même. En fait, ses toutes premières infidélités ont représenté les premières opportunités de pratiquer le pardon radical et de guérir ta souffrance initiale, mais tu as manqué ces opportunités. Chaque fois, tu lui as donné tort et, à la place, tu as endossé le rôle de victime, ce qui a rendu ta guérison impossible.
- Qu'est-ce que tu veux dire lorsque tu parles de pardon ?, demanda Jill, semblant toujours troublée. Es-tu en train de me dire que j'aurais dû le pardonner d'avoir séduit ma meilleure amie et d'autres femmes qu'il sollicitait et qui étaient d'accord ?
- Je suis en train de te dire qu'à cette époque il t'a donné une opportunité d'entrer en contact avec ta souffrance initiale et de voir comment une certaine croyance te concernant menait ta vie. En faisant cela, il t'a donné l'occasion de comprendre et de changer ta croyance, et ainsi de guérir ta souffrance originelle. C'est cela que je veux dire lorsque je parle de pardon. Est-ce que tu comprends pourquoi il mérite ton pardon, Jill ?
- Oui, je crois, dit-elle. Il reflétait la croyance que j'avais formée parce que je me sentais tellement mal aimée de papa. Il me donnait raison concernant le fait de ne pas être assez. Est-ce correct ?
- Oui, et dans la mesure où il t'a donné cette opportunité, il mérite reconnaissance, en fait plus que tu ne le réalises maintenant. Nous ne pouvons pas savoir s'il aurait cessé son attitude si tu avais guéri ta problématique concernant papa à l'époque., ou si tu l'aurais quitté. Quoi qu'il en soit, il aurait servi efficacement ton évolution. Donc, de ce point de vue, il mérite non seulement ton pardon, mais aussi ta profonde gratitude. Et tu sais quoi ? Ce n'était pas sa faute si tu ne comprenais pas le véritable message qui se cachait derrière son attitude.
"Je sais qu'il a été dur pour toi de voir qu'il essayait de te faire un grand cadeau. Ce n'est pas comme cela qu'on nous enseigne à penser. On ne nous enseigne pas à observer ce qui se passe et à dire : "Regarde ce que j'ai créé dans ma vie. Comme c'est intéressant !" A la place, on nous enseigne à juger, à faire des reproches, à accuser, à jouer les victimes et à chercher à se venger. On ne nous enseigne pas non plus à penser que nos vies sont dirigées par des forces autres que celle de notre mental conscient, alors qu'en vérité elles le sont.
"En fait, c'était l'âme d'Henry qui essayait de t'aider à guérir. A la surface, Henry mettait en scène sa dépendance sexuelle, mais son âme, opérant avec ton âme, a choisi d'utiliser sa dépendance pour ta croissance spirituelle. Dans le pardon radical, il s'agit de reconnaître cela. Le but de cette technique est de voir la vérité qui se cache derrière les circonstances apparentes d'une situation et de reconnaître l'amour qui existe toujours dans cet espace-là." [...]



La suite en page 34 du livre Le pouvoir du pardon radical, de Colin Tipping.